Système endocannabinoïde

Définition

Delta-9-tétrahydrocannabinol (δ-9-THC) et système endocannabinoïde

Les recherches sur la molécule psychoactive de la plante Cannabis Sativa, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), ont permis la découverte de récepteurs membranaires pour cette molécule à la surface des cellules. Un récepteur est comparable à une serrure, où une ou des clé(s) permettent de l’actionner pour ouvrir une porte. En biologie, cette clé est appelée un ligand, et de la même façon qu’une clé est capable d’ouvrir une porte spécifique, un ligand va être capable par le biais de son récepteur de provoquer un signal spécifique qui pourra aboutir in fine à un effet biologique.

Le premier récepteur cannabinoïde

Le premier récepteur cannabinoïde, qui a été nommé CB1 (type-1 cannabinoid receptor) par la suite, a ainsi été découvert en 1988 [1] et il est responsable des effets euphorisants bien connus du THC.
La découverte d’un récepteur sur lequel pouvait se fixer un cannabinoïde provenant de la plante Cannabis Sativa (un cannabinoïde exogène donc) a amené les scientifiques à rechercher l’existence de ligands endogènes (produits par notre corps). Le terme « endocannabinoïde » a ainsi été utilisé pour la première fois dans le milieu des années 1990 pour désigner ces ligands endogènes.

L’anandamide, le premier endocannabinoïde

Depuis l’identification du premier endocannabinoïde, l’anandamide, dans le cerveau du porc [2], de nombreuses études ont contribué à la découverte d’un système de communication exprimé chez l’homme et tous les mammifères, appelé « système endocannabinoïde » ou SEC.

Les recherches récentes au niveau du SEC, en plus de démontrer que ce système agit dans la régulation de nombreux processus physiologiques fondamentaux de notre corps, font état de son implication dans de nombreuses situations pathologiques.

Comment fonctionne le système endocannabinoïde?

Le système endocannabinoïde, un acteur majeur de l’homéostasie cellulaire

Les fonctions du système endocannabinoïde sont très longues à énumérer, car a priori tous les processus physiologiques de notre corps peuvent impliquer son intervention. Si l’on devait résumer très simplement ce système relativement complexe, on pourrait dire qu’il s’agit d’un système « pro-homéostatique », c’est-à-dire qu’il va agir de façon à maintenir l’équilibre (l’homéostasie) de notre corps. Lorsque l’on parle d’homéostasie cellulaire, on fait référence à la capacité du corps à maintenir son équilibre intérieur. À l’échelle du corps humain, il s’agit par exemple de la gestion du poids, de la température corporelle, de la glycémie, du rythme cardiaque…

Système endocannabinoïde, endocannabinoïdes et endocannabinoïdome : les différences

Le système endocannabinoïde ou SEC est un système de communication composé de récepteurs membranaires cannabinoïdes CB1 et CB2, de ligands endogènes appelés endocannabinoïdes ainsi que d’enzymes (protéines qui activent ou accélèrent une réaction chimique) responsables de la synthèse et de la dégradation de ces molécules [3].

Les endocannabinoïdes sont plus spécifiquement des dérivés d’acides gras formés à partir des lipides contenus dans les membranes des cellules. Ces molécules sont des esters, éthers ou amides d’acides gras, capables d’activer les récepteurs CB1 et CB2. Les deux principaux endocannabinoïdes sont des dérivés de l’acide arachidonique (un oméga-6) : l’anandamide (AEA) et le 2-arachidonoylglycérol (2-AG). L’anandamide se fixe préférentiellement sur le récepteur CB1 et le 2-AG sur le récepteur CB2.
Les endocannabinoïdes sont produits « à la demande » à la suite d’un stimulus (par exemple un stress) et il n’existe a priori pas de preuves formelles d’une forme de stockage de ces molécules. Les endocannabinoïdes vont principalement agir de façon locale et transitoire, car ils sont rapidement dégradés après leur synthèse. L’avancée des recherches dans le domaine du SEC a permis la découverte de nouveaux médiateurs appelés « endocannabinoïdes-like », appartenant aux mêmes familles de composés que les endocannabinoïdes, mais agissant sur d’autres récepteurs. Cette « extension » du système endocannabinoïde est appelée « endocannabinoïdome » [4].

Pour résumer,

on a donc un système principal, le SEC qui s’intègre au sein d’un système de communication beaucoup plus vaste « l’endocannabinoïdome ». Les molécules de signalisation de ce système sont d’une part les endocannabinoïdes et d’autre part les composés endocannabinoïdes-like. Les endocannabinoïdes dérivent d’acides gras insaturés à longue chaîne oméga-6 ou oméga-3 : acide arachidonique ou EPA (acide eicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque). Les composés endocannabinoïdes-like sont formés à partir d’autres types d’acides comme l’acide linoléique, oléique, palmitique et stéarique (ces deux derniers sont des acides gras saturés).

Où se situent les récepteurs CB1 et CB2 à endocannabinoïdes dans le corps ?

Le SEC est principalement représenté au niveau du système nerveux central mais il a également été détecté au niveau de tissus périphériques comme le système digestif, le foie et le pancréas, le système cardiovasculaire, les poumons, le tissu adipeux, les glandes surrénales, le système reproducteur, la peau, les os et les muscles [5]. On détecte donc globalement des récepteurs CB1 et CB2 dans presque toutes les cellules du corps.
On peut cependant observer une distribution qui varie selon la nature du récepteur. En effet, CB1 est majoritairement localisé au niveau du système nerveux central et des terminaisons nerveuses périphériques, alors que CB2 est essentiellement retrouvé dans les cellules du système immunitaire et la rate.

Les rôles physiologiques du SEC

Le SEC joue des rôles si nombreux et divers qu’il est difficile de tous les énumérer. À titre d’exemple, on pourra citer son rôle dans la plasticité neuronale, le contrôle des émotions et des capacités d’apprentissage.
Le système endocannabinoïde intervient également dans le contrôle de l’appétit et de la lipogenèse (formation des cellules graisseuses). Il prend part à la gestion des réponses au stress au niveau hormonal (sécrétion d’adrénaline et de corticostérone) et dans le fonctionnement du système cardiovasculaire (vasodilatation et pression sanguine).
Le SEC a aussi rôle majeur au niveau du système digestif (contrôle de la motilité et des sécrétions intestinales) ainsi que dans le contrôle de l’inflammation et de l’activité des cellules immunitaires [6].
Il faut savoir que les deux récepteurs cannabinoïdes peuvent agir sur un même paramètre physiologique, très souvent de la même façon mais dans certains cas d’une manière opposée.

À lire aussi : Vincenzo Di Marzo : « Le système endocannabinoïde joue un rôle crucial dans l’organisme »

Système endocannabinoïde et maladies (cancer, dépression, obésité…)

Durant des situations pathologiques, on observe des changements dans les niveaux tissulaires des médiateurs endocannabinoïdes et endocannabinoïdes-like. Comme il est admis que ces médiateurs ne sont pas stockés mais uniquement produits à la demande, les modifications des concentrations tissulaires correspondent donc à leur sortie des cellules, et par conséquent, à l’activation des récepteurs cannabinoïdes.

Les deux endocannabinoïdes les plus étudiés, le 2-AG et l’anandamide, voient leur concentration varier dans les pathologies suivantes : les maladies inflammatoires et immunologiques (maladies auto-immunes et allergies), les maladies neurologiques et neuropsychologiques, l’ostéoporose, les pathologies cardiovasculaires et les cancers [7]. On peut également relier l’altération du système endocannabinoïde avec l’obésité et les maladies métaboliques.

Depuis quelques années les études scientifiques ont mis en évidence l’association entre une dysbiose intestinale et la dépression. Une étude parue en 2020 montre que le lien entre dépression et dysbiose intestinale impliquerait une altération de l’activité du système endocannabinoïde dans le cerveau.

Étonnamment, pour une pathologie donnée, il arrive qu’on mette en évidence soit une augmentation, soit une diminution des niveaux d’endocannabinoïdes, et soit un effet néfaste, soit un effet positif de l’activation des récepteurs dans les tissus et organes concernés par la pathologie. De plus, il a été observé que les niveaux des deux endocannabinoïdes 2-AG et anandamide peuvent varier dans la même direction ou d’une façon totalement opposée [7].

Il semblerait donc qu’il soit très difficile de prédire les effets d’une diminution ou d’une augmentation de l’activité du système endocannabinoïde dans une pathologie donnée. Cependant, il est clair qu’au niveau d’un tissu, le SEC peut être affecté de bien de manières différentes par un stimulus et cela va dépendre non seulement de la nature mais aussi de la durée du stimulus.
La grande diversité d’action et l’omniprésence du SEC au niveau de l’organisme amène donc une difficulté importante dans le développement de molécules capables de cibler uniquement certains tissus.

En conclusion

Le système endocannabinoïde est un système de communication du corps parmi les plus importants et les plus complexes. Sa fonction principale est de réagir à des stress afin de permettre au milieu interne de garder son équilibre. L’altération de son fonctionnement et des niveaux de ses médiateurs lipidiques (endocannabinoïdes) dans certains tissus peut contribuer à l’installation ainsi qu’à la progression de différentes pathologies.

Les dernières recherches mettent en avant que le fonctionnement du système endocannabinoïde peut être impacté par de nombreux facteurs environnementaux comme le mode de vie et la nutrition, ainsi que l’existence d’un lien solide entre ce système et le microbiote intestinal.

  1. Devane, W.A., Dysarz, F.A., Johnson, M.R., Melvin, L.S., and Howlett, A.C. (1988). Determination and characterization of a cannabinoid receptor in rat brain. Mol. Pharmacol. 34, 605–613.
  2. Devane, W.A., Hanus, L., Breuer, A., Pertwee, R.G., Stevenson, L.A., Griffin, G., Gibson, D., Mandelbaum, A., Etinger, A., and Mechoulam, R. (1992). Isolation and structure of a brain constituent that binds to the cannabinoid receptor. Science 258, 1946–1949.
  3. Fezza, F., Bari, M., Florio, R., Talamonti, E., Feole, M., and Maccarrone, M. (2014). Endocannabinoids, related compounds and their metabolic routes. Molecules 19, 17078–17106.
  4. Marzo, V.D., and Wang, J. (2014). The Endocannabinoidome: The World of Endocannabinoids and Related Mediators (Academic Press). 13-19.
  5. Sberna, A.-L., Degrace, P., and Vergès, B. (2016). Système endocannabinoïde : effets sur le métabolisme glucidique, mais aussi lipidique. Médecine Des Maladies Métaboliques 10, 407–414.
  6. Ligresti, A., Petrosino, S., and Di Marzo, V. (2009). From endocannabinoid profiling to ‘endocannabinoid therapeutics.’ Current Opinion in Chemical Biology 13, 321–331.
  7. Di Marzo, V. (2008). Targeting the endocannabinoid system: to enhance or reduce? Nat Rev Drug Discov 7, 438–455.

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